I don’t know, but it’s gonna be colorful

À l’occasion de la Gay Pride, pendant non pas une journée mais près de un mois, Tel-Aviv se fait ville LGBT. Un faisceau d’événements culturels dont le TLVFest, Festival international du film LGBT, accompagnent la cité arc-en-ciellisée.

Cette année la devise est « Let it bi », et comme chaque mois de juin des drapeaux, éventails et même quelques kippas arc-en-ciel inondent la ville. L’ambassade d’Israël en France a profité de cette 19e édition de la Gay Pride à Tel-Aviv pour proposer à une délégation française LGBT de venir rencontrer ses homologues du monde gay et lesbien israélien, en amont de la saison France-Israël qui se profile en 2018. L’occasion de construire des ponts, de récapituler nos respectives situations et de faire du troc féminin : une digue dentaire contre un pisse-debout.

C’est entre le festival Wigstock, événement drag dédié à la sensibilisation à la lutte contre le VIH et le sida, et la rencontre de l’équipe du théâtre Tahel (Homo-Lesbien Theater) que l’on découvre donc le TLVFest, boycotté à quelques jours de son ouverture par plusieurs de ses participants. Des artistes invités ont répondu à l’appel au boycott du festival, accusé de participer au pinkwashing du gouvernement (promotion des droits homosexuels pour faire oublier la politique israélienne). C’est donc une programmation diminuée qui a été présentée, panachant des films aux antipodes. Pour exemple, « Dear Freddy », de Rubi Gat, documentaire mêlant documents d’archives et film d’animation qui retrace la vie de Freddy Hirsch, juif gay ayant participé à l’éducation et à la survie des enfants du ghetto de Theresienstadt, lui-même déporté à Auschwitz en 1944. Classique.

Dans un tout autre genre, « Bebe », d’Ilan Peled et Yair Qedar, faux documentaire retraçant la vie d’un transsexuel qui se prostitue avant de devenir reine de la scène en Europe puis de retourner en Israël pour ouvrir son propre cabaret. De vrais acteurs de la scène queer israélienne témoignent, brouillant les frontières entre l’imaginaire Bebe Goldberg et des anecdotes qui pourraient être tirées de leurs propres expériences, dessinant ainsi le portrait collectif d’une génération. Une riche idée donc, mais les trop nombreuses images d’archives et les musiques entraînantes qui surhabillent le film donnent l’impression de l’impossibilité pour les réalisateurs de faire le tri devant une banque d’images trop attrayante. Le résultat est un film distrayant et parfois pertinent mais qui se disperse malheureusement dans son propos.

Enfin, grande découverte (mais, apprend-on de source française, pas une surprise révolutionnaire pour les familiers du cinéma queer et transgenre), « Pieles », d’Eduardo Casanova. En un peu plus d’une heure, le réalisateur espagnol conte dans un esthétisme tout de violet léché les histoires croisées de personnages aux physiques très singuliers, qui ne peuvent que se cacher. La salle est partagée entre le dégoût, les sourires gênés et de franches explosions de rires. Un film troublant mais au dénouement classique rassurant, qui émeut, interroge sur la liberté de s’assumer et ne nous lâche toujours pas quelques jours après. On y repense d’ailleurs en essayant notre premier pisse-debout à Montpellier.