Mouvement (capturé) : 3e Biennale de photographie de danse

Quand on pense à la danse, on pense aux corps et à leurs mouvements – saccadés, vigoureux, délicats –, à cette énergie transmise entre spectateurs et danseurs, à ce moment magique de communion dans l’espace. Or, quand on pense à la photographie, on voit plutôt du mouvement immobile, figé, des fragments de corps, des représentations, des indices de ce qui a été là, mais qui ne l’est plus. Il semblerait que ces deux arts s’opposent fondamentalement. Et pourtant, Pedro Pauwels, directeur de la compagnie de danse éponyme basée à Limoges, nous montre tout à fait le contraire en organisant la 3e édition de la Biennale de photographie de danse, intitulée « Mouvement (capturé) », qui s’est déroulée entre le 26 et le 28 mai 2017.

Cette troisième version de la biennale, dans le cadre du festival DanSe en Mai, a eu lieu à Brive-la-Gaillarde (les deux précédentes s’étant déroulées à Limoges), sous une chaleur impitoyable et accompagnée d’autres événements massifs, notamment le marathon de Brive. Il s’agit d’une manifestation tout à fait unique en France, et l’originalité de son propos nous permet de nous concentrer sur l’espace liminal entre les deux arts apparemment si différents l’un de l’autre ; le premier étant l’art du mouvement, de l’éphémère, du flux ; le deuxième, celui de la pérennité, de la quiétude, des fantômes. D’ailleurs, le nom choisi pour la biennale fait preuve de ce paradoxe. Philippe Verrièle, célèbre critique de danse et coorganisateur de l’événement, expliquait, samedi 27 mai, lors de l’une des tables rondes de la biennale, cette dénomination : capturer un animal implique de l’attraper, mais vivant. De même, la photo de danse (réussie) implique de capturer l’essence, l’esprit d’un mouvement qui n’est plus là, sans le figer vraiment, sans le tuer. Pauwels évoquait aussi l’idée d’une carte postale : c’est un cliché qui capture toute l’énergie et le dynamisme d’un mouvement.

Pendant ces trois jours, artistes, danseurs, photographes, critiques et journalistes se sont penchés sur les relations entre danse et photographie. Le vendredi 26 mai, la biennale a été inaugurée avec le vernissage de l’exposition de photographie « Viril mais correct », dans laquelle deux célèbres photographes de danse, Nathalie Sternalski et Olivier Houeix, dialoguent, avec 28 de ces clichés, sur la danse masculine et le concept de virilité. Les images sont exposées à l’espace Gazeau, au sein du Cultura Brive Centre, et sont accompagnées de textes pertinents de Philippe Verrièle. Le choix de cet endroit assure, d’une certaine façon, la participation d’un public non spécialisé. Dans la même veine, les brèves interventions de danse ayant eu lieu samedi après-midi dans différentes vitrines du centre-ville de Brive, assurées par des danseurs professionnels et amateurs, ont permis de montrer au grand public tout le travail engagé pour cette biennale.

Les deux tables rondes du samedi, une deuxième exposition photo (intitulée elle aussi « Mouvements capturés », avec les clichés d’Anne Perbal, Patrick André et Éric Boudet), ainsi que la conférence sur le photographe de danse Serge Lido, préparée par Verrièle, n’ont malheureusement pas, et en dépit de leur intérêt, été aussi visibles. Et pourtant, les discussions passionnées sur la médiation culturelle et le rôle de la photographie de danse, les documents historiques et les images sur Serge Lido et les danseurs qu’il a photographiés tout au long de sa carrière, justifiaient complètement l’existence de cette biennale qui met en évidence l’importance de la photographie dans le monde de la danse contemporaine. Chaque table ronde, chaque conversation proposait de nouvelles questions sur l’imbrication de ces deux arts et soulignait les défis et les complexités de leurs rapports : la photographie de danse est-elle seulement une stratégie de communication ? Et si ce n’est le cas, quel est donc son rôle ? Qui est le (vrai) créateur derrière le cliché : le photographe, le danseur ou les deux ? Une participation plus active de la communauté dans ces activités aurait peut-être été souhaitable.

Reportage ou documentaire, fiction ou nouvelle création, la photographie de danse devient un art à part entière. Sa pertinence et son intérêt font de cette biennale un événement à ne pas manquer. C’est une belle initiative à suivre, surtout puisqu’elle cherche à s’installer loin de la métropole parisienne en encourageant les créateurs partout en France, ainsi qu’à inviter le grand public à s’intéresser à la médiation et à la danse, respectivement.