I/O n°54 [édito] Ce qu’habiter veut dire

Suivrons-nous le raisonnement du mollusque de Gaston Bachelard quand il affirme dans « La Poétique de l’espace » qu’il faut « vivre pour bâtir sa maison et non bâtir sa maison pour y vivre » ? Je ne crois pas, car il y a déjà longtemps nous avons décidé d’abandonner définitivement tout recours au raisonnable et de nous fier uniquement à ce qu’essaie de nous transmettre notre faculté à ressentir. Nous choisissons la Vie ! Et c’est dans les festivals du monde et les salles de théâtre de nos quartiers que nous la trouvons quotidiennement, palpitante, fragile, hésitante mais terriblement séduisante. Tant pis pour le refuge donc, notre abri se compose désormais plus de mots et de larmes que de briques et de poêles, et nous acceptons joyeusement ce statut de sans domicile fixe de la culture. Comme Bernard (l’hermite), nous devons changer de coquille, car le corps unique formé de différents membres subit une croissance exponentielle au rythme des saisons. C’est un mouvement en marche, une révolution rieuse qui fait fi du tiède, du moyen et du normal. Nous sommes en route vers le sommet d’une montagne que seuls ceux qui acceptent de vivre dans la république du théâtre peuvent admirer et gravir. Pas de méprise, les bras sont grands ouverts. « Dans ma maison vous viendrez, d’ailleurs ce n’est pas ma maison… » Jacques (Prévert), nous y serons, habités de cette lumière que nous transmettent les artistes, debout ensemble et prêts à inventer une nouvelle danse.