Plus que jamais cette année, le festivalier n’est rien d’autre que « cette silhouette titubante et monstrueuse qui fait claquer ses mandibules dans le vide et gémit d’une faim que rien ne semble pouvoir soulager ». C’est comme cela que Virginie Despentes décrit les âmes errantes de nos vies, et c’est ainsi que nous nous trouvons, en effet. Est-il réellement besoin d’en rendre raison au lendemain d’un scrutin électoral dont la campagne semble avoir été rythmée par la seule surenchère des plus vieilles bêtises du monde que sont la haine de l’autre et l’amour de soi ? Face à cela, le citoyen sonné ne dispose plus que d’une seule solution : arpenter les rues des festivals du monde pour entendre des mots, voir des images et, peut-être, trouver des réponses qui lui permettront de s’en sortir. Ce mois-ci, à Ravenne, il pourra entendre la musique de Monteverdi et se recueillir sur la tombe de Dante, seul poète à savoir où se trouve la porte d’entrée du paradis. Mais il pourra aussi voir la grâce dans les pas de Baryshnikov à Sibiu ou entendre le monde dans le théâtre grec de Syracuse. Et s’il ne trouve toujours pas de réponse ? Eh bien ! il peut aussi aller à Lille regarder l’urgence des gestes de Lisbeth Gruwez et le souvenir d’Anna Halprin. À cet endroit, il sera peut-être plus qu’ailleurs en phase avec le possible et en mesure de découvrir le réel. En tout cas, il sera les deux pieds dans la terre qui l’a vu naître, en prenant le risque par sa simple présence d’y laisser ses empreintes. Risque inévitable mais fécond car comme le disent si bien Maria-Carmela Mini et François Frimat : « Aucune de nos existences échappe à son inscription dans le monde. »