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On peut, avec le metteur en scène Yves Beaunesne, estimer d’avant-garde “la conservation de quelque chose de soi-disant désuet”. On peut aussi trouver important de remonter un classique même aussi éculé, avec ses répliques cultes et son inénarrable “Querelle”. Soyons juste : il y a dans ce “Cid” une vraie intelligence scénique. Le récit du dilemme se déroule à l’ombre de moucharabieh somptueux, entrecoupé par des chants a cappella arabo-latinisant au service de la tension dramatique. Si l’on est séduit par la volonté de retrouver la dimension tragi-comique de la pièce, en s’appuyant sur la première version de 1637, on l’est nettement moins par les quelques saillies drolatiques qui tombent comme un cheveu dans la soupe cornélienne (la faute, notamment, à la direction d’acteurs des seconds rôles). Et, surtout, on regrette un manque de point de vue et d’audace. Le parti pris légitime de ne pas céder aux sirènes du post-théâtre pour conserver la modernité intrinsèque du texte de Corneille fait échouer la proposition dans une neutralité regrettable. “Rodrigue, as-tu du cœur ?” Il en aura manqué beaucoup à cette mise en scène.