Ils sont au printemps de leurs vies, éclatants de jeunesse et d’enthousiasme. Les corps vêtus de blanc sidèrent de force juvénile, les cheveux longs sont sauvagement rejetés en arrière et de grands rires en cascade résonnent aux quatre coins du vénérable Palais Garnier. Sur scène, près de quarante danseurs s’en donnent à coeur joie pour donner vie à “Play”, première création d’Alexander Ekman à l’Opéra de Paris, accompagnée par la musique originale de Mikael Karlsson. Le chorégraphe suédois a choisi d’entraîner la troupe dans une tourbillon poétique et fougueux, rappelant avec tendresse que, derrière l’âpreté de la discipline, peut éclater le simple plaisir d’être en scène, de jouer. La métaphore est parfois filée avec un brin de lourdeur – jeux de balle, brouettes, pantomimes – mais demeure savoureuse. Ainsi, une pluie de boules vertes s’abat sur le plateau, transformant l’espace de danse en piscine à balles où se jette avec délice le groupe au grand complet. La seconde partie est, quant à elle, beaucoup plus convenue. Les enfants sont devenus des adultes au coeur gris, sur le chemin du travail ou dans la torpeur des open spaces. Une voix-off sentencieuse, presque méprisante, épingle avec férocité les « directeurs d’assurance » et autres forçats du tayloro-fordisme qui vivent une existence « ratée ». Un peu facile quand on a le pouvoir de mener la danse.