C’est toujours un exercice périlleux pour un artiste d’amener sur le plateau la question de ses origines. L’Histoire universelle est bien souvent soluble dans l’histoire personnelle. Dans ce très beau “Elle voulait mourir et aller à Paris”, il n’en est rien car Joachim Latarjet a très bien compris que les légendes familiales sont avant tout des légendes et qu’il faut les traiter comme telle, c’est à dire comme un matériau vivant, élaboré et retravaillé sans cesse par les générations suivantes. Latarjet pose un double geste scénique, juxtaposant celui du rhapsode, contant en musique l’épopée de sa mère, à celui du metteur en scène qui y insuffle, avec une grande maîtrise, la force du drame. C’est cette dualité qui fait la dynamique du spectacle : on la retrouve dans la double distribution de la figure maternelle, dans les allers-retours entre présent et passé (l’un se nourrissant de l’autre) dans la problématique de la langue et dans la possibilité donnée au spectateur d’être à la fois observateur et protagoniste. Une façon très élégante de parler de nos racines, toujours multiples en expansion et dont nous tissons nous-mêmes le réseau en creusant le passé.