DR / MARC, Franz, “El sueño”

Frères d’arts, faits tragiquement frères d’armes lors de la Première Guerre mondiale, Macke et Marc ont en partage une trajectoire historique fascinante. Empreintes des mouvements d’avant-garde, les toiles des deux peintres sont des isthmes où viennent se mêler des courants fondateurs de l’histoire de l’art. Récipiendaire du génie de Cézanne, Macke ne cesse de ponctuer ses toiles – et c’est bien de ponctuation qu’il s’agit, car chaque oeuvre respire, se déploie entre le plein et le vide – de références à ces artistes qu’il affectionne. Ce jeu référentiel est tout à fait saillant dans une exposition qui se détourne des pontes du Blaue Reiter, des envolées mystiques d’un Kandinsky, des obsessions circulaires des Delaunay. Pour qui est disponible, la malice des deux artistes officie dans son regard : la composition des toiles a cela d’amusant qu’elle dissimule toujours éhontément le sujet de la toile, défaisant la sacralité de la centralité, diffractant le regard à partir d’un bouquet de géraniums ou d’une nature morte qui se prolonge en portrait de femme. Artistes détournés de leurs amours, Macke et Marc ont fait du détour leur chemin de croix, et la fin de l’exposition illustre merveilleusement la philosophie de la disjonction, rendue indispensable pour comprendre les espérances dernières de Macke pour le simultanéisme, quand Marc s’énamoure du futurisme, au moment où le linceul du guerrier trouble les visions lumineuses du temps où le regard paissait en paix.