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Il est complexe de juger d’un travail qui a les atours d’un spectacle professionnel et le corpus humain d’une arche de Noé constituée de migrants et autres jeunes socialement laissés pour compte : car on a naturellement très envie qu’un miracle ait lieu.

Mais ni la moelle ni le sang ne sont entrés dans le corps désincarné de cette troupe trop peu soudée. Par instant, des moments d’espoir éclosent, certains sonnets résonnent, des mouvements ou des images touchent. Mais doués ou non on ne leur aura pas laissé le temps d’aller au bout de leurs possibles. Aussi magnifiquement et professionnellement appareillé soit-il (scénographie aquatique, accompagnement chorégraphique, jeu de lumière ludique) cet engagement si particulier auprès d’ une humanité fragilisée, a le devoir de la durée, une expérience temporelle dont a généralement manqué ces jeunes, justement frappé de discontinuité et de fragmentation dans leurs parcours. Il faut le faire oui, mais dans des conditions adaptées. Si le projet de médiation au TGP a, semble-t-il, porté ses fruits auprès de jeunes impliqués au long cours et partie prenante du lieu, on reste dubitatif sur la possibilité de reproduire l’expérience en si peu de temps à Carouge.

Qu’auront-ils retenu de Shakespeare et de cette expérience, ces enfants et ces jeunes gens, que la culture institutionnelle aura essayé de leur offrir/imposer comme un pansement sur leurs blessures sans avoir eu le temps de travailler sur le lien et le sens ? La question du « feel good project » et du public acquis se pose, douloureusement.