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La vie de critique est parfois illuminée de ces moments rares de complicité avec le sujet : Fénéon, avec ses amitiés vives et ses goûts éclectiques, son exploration de l’impressionnisme et des « arts d’ailleurs »  rentre dans cette zone de familiarité fraternelle. Intéressé de tout, ami avec tous, défenseur d’une modernité exigeante et exploratoire, cet homme a côtoyé et vécu avec ceux qui sont devenus mythologie. A l’instar d’un Kahnweiler, Fénéon aura mis énergie et moyens au service de la défense d’une recherche permanente d’un discours nouveau et d’une confrontation des arts. Les « Arts d’ailleurs », ainsi dénommés en ce temps passé, nourrissent en effet l’évolution du regard et du discours dans un monde encore (et toujours ?) empêtré dans une norme où bon goût alimente tabou, où les frontières se figent dans les têtes comme dans les ardeurs d’un nationalisme mortifère. Fénéon n’aura de cesse que de casser ces frontières, d’explorer, de faire discuter. L’exposition à l’Orangerie, même démunie de grands tableaux stars, est un petit bijou de sérénité discursive, de mise en résonance de démarches différentes mais pas divergentes, cabinet de curiosités tout autant que lieu d’institutionnalisation de cette exigence du dialogue. Et la beauté du moment tient autant à la mise en scène claire qu’à cette harmonie profondément portée par Fénéon comme mode d’être au monde et à l’art.