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On retrouve l’intérêt de Cervantes à documenter ce qui ne l’est pas, ce qui tombe dans l’oubli. Les opprimés, les invisibles, ce bétail qu’on déplace. Catherine Germain s’empare du récit de Latifa Tir ou plutôt Latifa prend possession de Catherine, tel un djinn. Leur duo intérieur échange avec fluidité un regard commun qui aimerait nous happer au sein du récit. Latifa raconte non seulement les murs sur le point d’être abattus mais surtout les gens, les clans et les lignées déjà malmenés par les migrations et qui pourraient disparaître à nouveau dans le saccage urbain organisé et planifié. Ils sont ceux qui paient le prix fort, délocalisés, disloqués intérieurement, victimes d’une immense précarité, non seulement matérielle mais aussi mémorielle, dynastique, des familles en pièces détachées. Si on admire le jeu, la question de l’écriture demeure. Sur ce terrain de réalité sociale l’étincelle s’allume mais le feu ne prend pas. On regrette de rester au seuil du récit documentaire sans que le texte ne se hisse, comme certains (“Prison possession” notamment), à une dimension plus universelle. Le sujet lui l’est, les quartiers nord n’existant pas qu’à Marseille. Si cette parole doit être entendue la question est de savoir si c’est ainsi et ici qu’elle résonne le mieux.