Rendre à Bourdieu ce qui lui appartient

En réalités

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Pensée no 1 à la sortie du spectacle : Bourdieu aurait adoré. Peut-être aurait-il considéré que le théâtre est la pierre manquante de son édifice sociologique. Parce que Pierre était lucide. Il savait que sa « Misère du monde » de 1 472 pages ne serait classée que 289e meilleure vente sur Amazon, et encore, au sein de la catégorie « Ouvrages de référence de sociologie ». Et que la minutieuse enquête de son équipe, les dizaines d’heures d’entretien pour dessiner les visages de la misère dans la France de 1990, méritait une forme qui puisse susciter l’émotion pour entraîner la réflexion.

C’est ce que réussit magistralement « En réalités ». La pièce est limpide dans sa construction, et on est frappé par l’effort de rigueur intellectuelle dans son travail de vulgarisation. Elle est portée par des acteurs justes, profonds et drôles, aussi à l’aise dans la peau des personnages interviewés que dans celle de cette espèce humaine mystérieuse et cocasse qu’on appelle les sociologues.

Pensée no 2 à la sortie du spectacle : eh merde… Trente ans plus tard, c’est la même misère, en pire.