Mystique à l’état sauvage, on savait. Passant considérable, on savait aussi. Mais révolutionnaire marxiste, Rimbaud ? Avec “Rimbaud Révolution”, dans ce bel objet-livre qu’est, comme toujours, un opus chez L’Echappée, Frédéric Thomas se défend de faire accoucher au forceps le poète d’intentions idéologiques. Plutôt : il établit un parallèle convaincant entre la dialectique de Marx, telle qu’elle se développe au même moment dans son analyse des perversions du système capitaliste (“Le Capital” ne sort que quelques années avant la composition d’une “Saison en enfer”), et les dégoûts post-romantiques de Rimbaud pour la modernité coloniale et bourgeoise. Viviane Forrester l’avait bien compris, qui dans son essai de 1996 a contribué à la postérité des “horreurs économiques” issues des “Illuminations”. Plus encore, Thomas creuse les affinités électives du jeune Ardennais pour les Communards – qu’il semble fréquenter plus qu’on a longtemps cru. Continuation logique, l’essayiste explore l’irrigation marxo-rimbaldienne chez les Surréalistes, et l’échec, dans leur porosité communiste de l’entre-deux guerres, à ancrer toute programmatique de changement du monde. Peut-être parce que, dixit “Le Bateau ivre”, les Aubes sont navrantes : les lendemains qui chantent s’évaporent dans le silence et la mort. Et l’on relit l’intuition fondamentale de Walter Benjamin à ce sujet.