© Jean-Louis Fernandez

« De cette nuit profonde, faite d’une épaisseur véritable de l’espace » que scénographiait Roland Barthes en évoquant le théâtre populaire, la « nuit égalitaire du cinéma » chère à Marguerite Duras pourra-t-elle surgir ? Rien n’est moins sûr avec cette adaptation d’un « Barrage contre le Pacifique » dans sa version dramatique, que Christine Letailleur (après Claude Régy en 1977) crée au Théâtre National de Strasbourg. Projecteurs à gobos et bruitages illustratifs à gogo. Fromager dénoue la chemise et bombe le torse. Caroline Proust et ses couettes se souviennent du « Terre indigo » avec Cristiana Réali et Francis Huster tandis que Hiroshi Ota, époussetant son costume blanc et ses diamants, n’échappe pas à toute l’imagerie rétrograde qui s’impose. De son côté, Annie Mercier fait la moue, écarquille les yeux, et rêve que ses moderato cantabile lui fassent quitter la galère. Elle seule s’émancipe de la diction académique et antisuggestive de ses camarades, qui font un certain tort aux perles acérées de Marguerite Duras que leur ronflant petit tailleur reprise en grains de riz gluant. Moment de gêne absolue, comme l’histoire du théâtre rasoir en offre rarement.