Corps céleste, corps terrestre

Giordano Bruno, le souper des cendres

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A travers un montage des écrits de Giordano Bruno, Laurent Vacher dresse un portrait exalté du célèbre philosophe napolitain qui fut condamné à mort par l’Église catholique et brûlé vif pour hérésie. On y retrouve sa vision de l’univers infini, peuplé de mondes semblables au nôtre. On y découvre également un personnage attachant et d’une étonnante sensualité, comme si le bouillonnement intellectuel qui lui permit d’élaborer des théories sur le cosmos aussi en avance sur leur temps était corollaire de son appétit de jouissance charnelle. En ce sens, l’engagement du comédien est à la hauteur de la personnalité du philosophe. Benoît Di Marco fait preuve de verve et son enthousiasme à incarner Bruno est communicatif. On prend plaisir à l’accompagner autant dans les ruelles crasseuses de la Naples du XVIe siècle que dans son exploration des astres ou de l’art de la mémoire. Il a pour partenaire de scène un violoncelliste qui accompagne la narration en tressant des ambiances sonores. Celle-ci avance en méandres, entre les épisodes de la vie du scientifique, les considérations philosophiques qu’il partage avec nous et les péripéties de son procès. La mise en scène, minimale, se soucie peu d’emballage. Elle repose, à raison, sur la parole originale de Bruno, le rythme et la performance des interprètes. Ainsi Laurent Vacher nous propose-t-il une rencontre étonnante, ainsi venons-nous rendre visite au fantôme de Giordano Bruno dont l’âme erre encore dans sa cellule, un monstre de science qui fit corps avec sa terre mais resta étranger à son époque et dont la pensée révoltée résonne formidablement avec la nôtre.