Chair fraîche

Flesh

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Avec « Flesh », la compagnie belge Still Life poursuit l’expérience d’un théâtre sans paroles, articulé en quatre saynètes pour quatre interprètes – Muriel Legrand, Sophie Linsmaux, Aurelio Mergola et Jonas Wertz – qui embarquent le spectateur dans l’énergie de leurs silences. Dans la pure tradition des lazzi, la pièce nous plonge dans un rapport direct aux corps et aux images. Le spectateur assiste ainsi à ce qui pourrait être une parodie burlesque du « Concept du visage de fils de Dieu » de Castellucci, s’attaquant aux délires hygiénistes et quasi fétichistes du protocole hospitalier qui nous coupe des corps souffrants. De façon plus attendue, « Flesh » s’en prend aussi aux déformations inquiétantes de la chirurgie esthétique, dont les dérives confinent à un résultat lynchéen digne d’« Elephant Man ». Le clou demeure la scène d’immersion au sein du film « Titanic », dans laquelle Muriel Legrand, affublée d’un casque de réalité virtuelle, offre ses contorsions rocambolesques aux spectateurs exclus de l’expérience, aussi hilares que frustrés. La pièce exhibe enfin le ballet tragicomique d’une fratrie désunie autour des cendres d’une mère, et le glissement inévitable de la haine contenue et silencieuse à la gabegie généralisée. Chacun de ces récits révèle, par l’absence de mots, le ridicule dont les corps ne peuvent se départir jusque dans la maladie et la mort. « Flesh » exhibe notre besoin de chair, fraîche ou avariée, et puisqu’elle est triste, hélas, mieux vaut en rire qu’en pleurer.