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Difficile de critiquer une œuvre en la conjuguant au futur : mieux vaut parler de « Cheb », encore à l’état de maquette, pour ce qu’il est déjà — c’est-à-dire une lumineuse exploration des synergies corporelles entre deux danseurs (Kerem Gelebek, Youness Aboulakoul) : elle débute avec un simple mouvement de bassin, presque à l’insu des corps, avant de s’étendre dans l’espace avec un flegme assez galvanisant… La danse se fait sans effort apparent, l’énergie circule avec un fluide absolu, de sorte que les danseurs, sans pour autant effacer leur idiosyncrasie, se retrouvent agrandis, augmentés par la connexion corporelle qui les habite. L’écriture de « Cheb », qui ne s’embarrasse pas de mouvements superfétatoires, dénudant parfois le geste jusqu’à son plus simple appareil (fonctionnel, anatomique), témoigne d’une grande maîtrise chorégraphique, dans laquelle la musique de François Cafenne — savant mélange entre les rythmes électroniques et des mélodies populaires — s’insère toujours avec délicatesse, guidant les corps sans jamais les commander. Ils ont d’ailleurs cette manie, même quand ils frappent le sol, de rester étrangement célestes : chaque mouvement est énergie qui s’écoule, et vice-versa, dans un spectacle qui (allez, on le dit quand même) augure déjà son succès futur.