La bande dessinée est-elle éternellement condamnée, au théâtre comme au cinéma, à être transposée par le régime sempiternel du cartoon ? Quelle dette cet art pluriel et hybride, qui n’appartient qu’à chaque dessinateur·rice, doit il encore payer pour cesser d’être investi par les images les plus criardes, par les déguisements les plus satinés et par les faux lierres les plus plastifiés ? Jusqu’à quand mettra-t-on à la bande dessinée un gros bonnet d’âne vulgaire ? L’adaptation, visuellement si pauvre et scéniquement si conventionnelle, de l’œuvre d’Hubert et Zanzim par Léna Bréban coche en effet tous les symptômes du genre. Aucun recoin scénique n’est à la hauteur de l’inventivité de l’ouvrage — la peau d’homme elle-même, accessoire fantastique hérité de Balzac, n’est ici qu’un pâle collant plat qui ne permet aucune métamorphose magique à la vue du public. Au risque d’un pissefroidisme forcé, reconnaissons tout de même que le divertissement s’observe d’un œil mi-clos : les chansons de Ben Mazué, l’allure honnêtement sans heurts de la mise en scène et l’engagement consciemment cabotinant de Laure Calamy en font une friandise comestible. Mais sûrement pas le carnaval queer, espiègle et explosif que le spectacle prétend être.
C’est du cartoon et ça cartonne !
Peau d'homme