
« Ce livre n’est pas une publication universitaire. C’est un appel à se réapproprier le jeu de société avec responsabilité, en pleine conscience de son impact et de son potentiel ». Force est de constater que le jeu de société n’a pas encore atteint sa phase de maturité comme objet culturel. Henri Kermarrec, auteur de jeux et cofondateur de la SAJ (Société des auteurs de jeux), se préoccupe depuis des années de la dimension sociale et politique des créations ludiques. Il est d’ailleurs l’un des cofondateurs du Manifeste métaludique, lancé au début de l’année 2025, dont l’article numéro 1 stipule que « le jeu de société n’est défini par le divertissement et ne se limite pas à l’objet commercial » (sans toutefois lui refuser la justification de ce dernier). Car « Ce n’est qu’un jeu » est la formule bien souvent opposée à ceux qui, justement, ne veulent pas voir dans le jeu autre chose qu’un simple divertissement.
Après une longue première partie consacrée à l’histoire du jeu de société depuis 3 000 ans avant notre ère jusqu’à nos jours, avec un souci constant de contextualisation historique et politique, Henri Kermarec en vient à la problématisation politique du jeu. Il tient à démontrer que le jeu peut aussi, comme la littérature ou le cinéma, être un média de lutte. S’il a assumé ce rôle jusqu’à présent, c’est dans les marges, de façon tout à fait anecdotique au regard de la croissance exponentielle de sa production (plus de 1 200 sorties de jeux de société par an en France). « Ce n’est qu’un jeu » est un ouvrage passionnant qui intéressera aussi bien le néophyte que le hardcore gamer. Non seulement il aide à déconstruire notre regard sur cet invariant anthropologique qu’est le jeu, mais il incite aussi les auteurs et éditeurs à oser emprunter les chemins de traverse de la création, plus expérimentaux, et à embrasser pleinement leur dimension politique.
