Tant mieux si Maurice Maeterlinck n’est plus la proie de mises en scènes éthérées, férues de symboles magnétiques et autoritaires. Tant mieux si l’on fait ressurgir l’humilité situationnelle, le suspense dramatique et la simplicité verbale dont son théâtre statique est aussi fait ; Julie Duclos avait fort bien ouvert ce chemin. À cet égard, le geste de Tommy Milliot semble à la hauteur de cette réintroduction du dramaturge symboliste au répertoire Français. Car c’est un Maeterlinck réancré dans la tradition théâtrale – celle du drame bourgeois, un Maeterlinck accessible et en même temps tenu dans son anti-spectacularité que l’on rencontre ici. Sauf que l’équilibre entre naturalisme et discret formalisme – l’esthétique de Tommy Milliot pour ainsi dire – semble confondre symbolisme et fantastique, saisissant alors « L’Intruse » et « Les Aveugles » comme deux pièces sur un quotidien vaguement troublé. Toute l’inquiétude profonde des êtres, irréductible à des événements concrets, toute la réunion bouleversante des consciences autour de la violence invisible du réel se trouvent alors trop dissipées. En voulant motiver toutes les paroles (parfois même par la psychologie, ce qui est rédhibitoire avec cette écriture), en contrôlant schématiquement le placement des corps au détriment du vivant inquiet qui devrait circuler entre eux (et entraînant une partition genrée parfois rance du plateau, avec Ursule dans « L’Intruse » notamment), Tommy Milliot n’attrape finalement que le premier étage des œuvres comme l’a toujours redouté Maeterlinck lui-même ; lui qui détestait la représentation mais qui n’a sûrement jamais rêvé d’une superficielle mise en espace.
Maeterlinck premier étage
L'Intruse et Les Aveugles