© Ivan Verbizh

Après le succès de son adaptation de “La Mégère apprivoisée” créée au TNB de Rennes et au Théâtre de la Ville à Paris en 2015, la metteure en scène Mélanie Leray choisit le jeune texte “Tribus” de la dramaturge anglaise Nina Raine pour une création éclair présentée pour la première fois à la Maison de la Culture de Bourges.

Assise à table, une famille qui se déchire comme on en voit souvent chez les auteurs britanniques contemporains, mais une famille bourgeoise et intellectuelle cette fois, bien loin des prolos trash d’un Dennis Kelly ou d’un Lee Hall. Tous sont des pros du langage, des sectaires de la belle parole et du mot choisi, même Billy, le petit dernier sourd de naissance qui a appris à lire sur les lèvres de ses congénères et à utiliser sa voix pour communiquer. Des parents proches de la retraite, intellos puants et égoïstes, des enfants trentenaires incapables de quitter le confortable foyer familial, se jalousant l’un l’autre, et puis Billy, spectateur discret et docile de cette tribu criarde où tout le monde parle mais personne n’écoute. Pour permettre au public de suivre le débat familial autour de la table et remédier aux acteurs faisant dos à la salle, un système ingénieux de caméras invisibles envoie des plans serrés des visages de chaque personnage sur un écran au lointain. Une attention toute particulière a également été portée sur le son, élément central de la pièce. Malheureusement, de simples caissons sonores et des bruits de fourchettes amplifiés ne suffisent pas à signifier le fossé qui se creuse entre un groupe de personnes entendantes et une personne sourde évoluant dans le même environnement. Mais la faiblesse de cette mise en scène se situe essentiellement dans une direction d’acteurs peu précise donnant à voir des personnages caricaturaux à l’humanité superficielle auxquels il est bien difficile de s’intéresser. Seuls Billy, campé par Luca Gelberg, et sa petite-amie Sylvia, Leslie Bouchet lumineuse d’intelligence et de sensibilité, sauvent ce tableau hystérique et affreusement bavard. La scène de rébellion du cadet, interprétée en langues des signes, impose enfin une écoute totale, sur scène et dans la salle, et permet enfin au texte de délivrer son message. Le silence et la simplicité auront finalement raison de cette maison de fous.