Tomber du ciel

Le Bruit des arbres qui tombent

Ce qui est formidable dans le travail de Nathalie Béasse, c’est qu’en plus de créer des images esthétiques en diable elle les dote de généreuses couches successives de symboles. En résulte un spectacle métaphore, un millefeuille qu’on ne se lasse pas de déguster. Jouissance des yeux et du cerveau qui capte petit à petit et au-delà des mots les liens poétiques qu’elle tisse avec maestria. Car ce sont bien les mots qui sont ici illustration, le refus de la traduction en est une des preuves. Puisque de narration il n’y a pas, prenons par exemple la scène de la généalogie du Christ. Pour mettre en corps ce passage de l’Évangile de saint Matthieu que les catholiques lisent traditionnellement lors de la messe de minuit, un homme et sa valise, un monticule de terre et un baptême. Voilà donc très justement mise en scène la terre promise qu’il quitte ou qu’il rejoint, l’autre homme qui par l’eau versée le fait devenir fils de Dieu, la litanie des mots qui tente de justifier les deux natures du Christ, humaine et divine. Le point de convergence de toutes ces scènes est le déraillement progressif de la joie à la souffrance. Ainsi la danse joyeuse du samedi soir se transforme en épreuve physique, le jeu de la cour de récréation en combat ; toutes ces ruptures sont magnifiquement portées par les quatre artistes sur le plateau qui donnent vie à ce qui tombe du ciel. Comme cette immense bâche qu’ils actionnent en prologue, qui envahit l’espace et occulte parfois la lumière, qui, par sa danse presque macabre, donne à l’ombre le goût salé de la vague, celle du déluge de Noé, des aventures d’Ulysse, de Jonas ou de Moïse.