Histoire(s) de fantômes

Pillowgraphies

(c) La Bazooka

Des fantômes dansant en lumière noire, voilà ce que nous propose cette fois la compagnie havraise La BaZooKa, qui nous réjouit à chaque nouveau spectacle. Sept fantômes, sept danseurs et danseuses, sept draps percés de deux trous pour faire les yeux et une bonne dose de jeux d’enfance pour agréger le tout. Car c’est l’enfance qui semble servir de détonateur à « Pillowgraphies », une époque de leur vie que nombre d’adultes regardent d’un œil attendri, même s’il est vrai que nous, nous n’avions pas le droit de découper des yeux dans les draps de Mamie quand on jouait aux fantômes. Les artistes de la BaZooKa, eux, ont bien compris qu’un des meilleurs aspects de l’âge adulte, c’est qu’on n’a plus besoin de demander la permission pour faire des bêtises, alors on les imagine rigoler en empoignant la paire de ciseaux.

Ce drap jeté sur les corps des danseurs et des danseuses pour « faire fantômes », et le « Boléro » de Ravel qui résonne pendant le spectacle, ce sont deux faces de l’inconscient collectif, ces petites choses qui vont venir titiller la mémoire de chacun·e d’entre nous. On peut choisir d’y voir une ode à l’enfance ; on peut aussi préférer y voir une vraie histoire de fantômes pas si éloignée de nos histoires d’humains, où on joue, on se fait peur, on se court après, où il y a des chefs et des suiveurs. Et puis le drap tombe, et on ne sait pas bien si les fantômes décident de jouer aux humains, ou si un nouveau corps leur est accordé. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que là où, sous le drap, tout n’était que moelleux et rebonds, sans le drap il y a du Lucinda Childs dans la chorégraphie orchestrée par Sarah Crépin.

Adultes et enfants sont réunis par « Pillowgraphies », les rires des grand·e·s faisant écho aux petites voix qui s’émerveillent de voir des fantômes pour de vrai – la preuve que ce sont de vrais fantômes, c’est qu’ils n’ont pas de pieds ! Ce jeu avec le merveilleux, cette magie, évoque chez certain·e·s des scènes du « Fantasia » de Walt Disney. La BaZooKa confie vouloir interroger la capacité du spectateur à y croire. Mission accomplie.