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Le regain d’intérêt des plateaux contemporains et en particulier de la scène opératique pour l’œuvre de Maurice Maeterlinck se réédite en cette nouvelle saison par la double production de « Pelléas et Mélisande », l’une montée en ouverture du Théâtre de Bâle par Barbora Horáková Joly, l’autre créée par Barrie Kosky en octobre 2017 en Allemagne et présentée actuellement à l’Opéra National du Rhin. Remisant les décors dantesques qui avaient marqué récemment sa « Flûte enchantée » et ses « Perles de Cléopâtre », le directeur de l’Opéra Comique berlinois préfère un dispositif minimaliste et étroit servant avant tout, comme ses notes d’intention le stipulent, à ne pas disperser la vibration psychique des voix et des corps. Ce diorama à strass ténébreux, nuancé par des néons blafards, amplifie effectivement les contours corporels et rend enfin justice au gigantisme du prince Golaud, interprété par Jean-François Lapointe. Si cette dilatation permettrait théoriquement de consacrer les fantasmes symbolistes de Maeterlinck, lui qui souhaitait ripoliner la présence humaine des acteurs, elle transforme en fait la scénographie en pure machine optique qui abolit tous les pans mystérieux de l’œuvre. Ce pseudo-minimalisme, encombré par une Mélisande en robes à paillettes rose, des mendiants aux costards luisants et des effets lumineux démonstratifs, dessert complètement le « voyage psychologique » terrifiant que voulait reconquérir Kosky. La gestuelle surchargée des comédiens, artificielle et souvent quotidienne (songeons au recoiffage machinal et intempestif du Golaud furieux) transforme les marionnettes métaphysiques rêvées par le dramaturge belge en pantins d’un bon vieux castelet guignolesque. Au rebours des gouffres menaçants qui inquiètent sans cesse les protagonistes, la vitrine expressionniste qu’édifie Barrie Kosky aseptise toute l’ « odeur de mort » gravitant entre les lignes musicales et vocales tissées par Debussy et Maeterlinck, malgré la virtuosité de ses interprètes. Espérons que le prochain Pelléas théâtral donné par Julie Duclos à l’occasion du 73e Festival d’Avignon offre un vrai souffle contemporain à l’œuvre maeterlinckienne, hors de ce clinquant mécanique et kitsch qui donne raison à ses éternels détracteurs.