(c) Philippe Weissbrodt

Dernière née de la série bien nommée des « Dispositifs », le chorégraphe suisse se confronte sur scène à deux éléments phares de la peinture académique et tente de les faire entrer en conversation avec une narration portée par deux danseurs. Associer ligne de fuite et sfumato provoque une réalité esthétique forte et hors du temps en raptant durablement l’attention du public. Car si le nuage de fumée est aujourd’hui un archétype des productions contemporaines, cette fumée-là n’a rien de déjà vu. Elle apparaît, généreuse, atmosphérique, enveloppante mais reste amoureusement près de sa source originelle. Comme un modèle, elle se laisse sculpter à loisir par la volonté du chorégraphe. Tantôt manteau ouaté, tantôt serpent chamallow qui transforme le sol en ciel, cette matière onirique semble envoutée au son des Agnus dei. Mais quid des danseurs ? Marthe Krummenacher et David Zagari incarnés et sensuels, tentent d’exister, de se faire une place, d’imposer leurs gestes et leurs émotions face à la puissante attraction de l’image, irrésistiblement happés par cette perspective qui leur permet de jouer à disparaître. On retiendra la désespérante beauté de la tentative car dans cette confrontation là, l’esthétique du dispositif ne laisse que peu d’espace et vole pour elle seule les regards et l’étonnement du spectateur.