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Un spectacle qui se tisse autour d’histoires d’amour et de théâtre voilà qui à priori a tout pour séduire le petit milieu cultureux bobos, friand de références partagées et d’autodérision. Julien Mages en représentant de son époque – « naïf et glauque, ça augure bien le siècle » – livre un texte pétri d’allusions littéraires, philosophiques et cinématographiques qui devrait mécaniquement générer un sentiment d’appartenance à une communauté, aussi réduite soit-elle. Peut-être est-ce le caractère masturbatoire de l’écriture, ou la mise à distance des personnages univoques qui réduisent au final toute émotion et c’est sans implication que l’on suit ce triangle amoureux oscillant entre Eustache, Choderlos de Laclos et Christophe Honoré (oui, ça chante aussi quelques fois !) La mise en scène cherche encore ce qui peut faire théâtre dans un fil de pensée qui résonnerait d’avantage dans une version filmée (les deux incipits vidéo sont d’ailleurs assez concluants) ou écrite mais qui peine à créer une forme ou à développer des images dramatiques. On ressent à chaque tentative sur le plateau la peur qui engonce l’auteur et qui empêche le metteur en scène : les incursions méta-théâtrales (l’acteur qui s’adresse au public pour le rassurer ou créer des connivences), les remarques appuyées aux défaillances du réseau artistique suisse ou l’attrait / répulsion de la création parisienne en sont les stigmates les plus évidents. Julien Mages se cache mal derrière chacun de ses mots et se refuse pourtant à s’abandonner totalement ; ce manque de confiance dans les pouvoirs de sublimation de la scène nous laisse sur le guet, observateurs sans animosité, parfois même attendris, mais incapables de plonger totalement dans ces tournoiements adolescents.