Passion intergalactique

Stellaire

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Le duo Stereoptik présente sa nouvelle création, et cette fois son terrain de jeu est l’espace. Quoi de mieux que l’Univers infini pour dévoiler les potentialités gigantesques, poétiques et toujours surprenantes de cette rencontre artisanale entre musique et image ?

Elle est astrophysicienne, lui peintre. Ils partagent la même passion, celle du mystère du cosmos, et comme celle de deux comètes qui se croisent leur rencontre va faire des étincelles. Nous suivons alors leur histoire d’amour comme un feuilleton d’exploration spatiale, et tout prend son sens par la force de l’interaction entre image et musique : les corps qui s’attirent et s’éloignent, le temps et l’espace qui s’imbriquent, notre présence dans l’histoire et l’Univers.

On connaît et on apprécie déjà tellement la facture de Romain Bermond et de Jean-Baptiste Maillet, et l’on a plaisir à retrouver tout le charme de leur esthétique croisée. Le dispositif narratif est toujours aussi brillant : une alternance entre moments de composition d’images et de musique en direct, véritable bijoux de work in progress, et l’usage d’éléments préparés à l’avance qui lancent l’action avec la même efficacité que les meilleurs blockbusters cinématographiques, la poésie en plus. On apprécie l’évolution de leurs techniques : plus d’orchestration, d’insertions de séquences filmées dans un décor dessiné, et toujours l’eau, le sable et ces rouleaux de dessins qui semblent s’étirer à l’infini tant que l’on peut tourner la manivelle. Le spectacle est tout autant dans les deux ateliers de fabrication que sur l’écran qui en fait la synthèse et le point de rencontre. Leur travail s’est aussi enrichi grâce à leur collaboration avec un couple de chercheurs de l’université de Groningen, aux Pays-Bas. La dramaturgie embrasse cette dualité avec finesse : l’épopée galactique devient colloque scientifique ; le champ d’astéroïdes, un atelier de peinture. On passe sans cesse, par changement de focale, de l’imaginaire au réel, de l’émerveillement à l’apprentissage, du rêve à la connaissance. Et l’on comprend que les deux sont étroitement liés. Ainsi, Albert Einstein vient nous tirer la langue au milieu d’une rave party cosmique.

La puissance incroyable des spectacles de Stereoptik réside toujours dans la tension qu’ils provoquent entre trois espaces : orchestre, table à dessin et écran. Au milieu, le plateau vide, une caisse de résonance pour mieux laisser toute sa place à notre imagination et à notre sensibilité. Mais « Stellaire » va plus loin. À l’heure où l’exposition des enfants aux écrans est si forte qu’on incite à la limiter, ce geste d’artisanat en direct permet au jeune spectateur de réaliser que les images, visuelles et sonores, sont toujours une fabrication et pas un objet magique et lisse. Les voir s’élaborer sous nos yeux, c’est aussi apprendre à détricoter celles qu’on nous impose dans notre quotidien. Donner la curiosité de la manière dont les choses sont faites. Trouver dans l’émerveillement et la connaissance de beaux outils d’émancipation.