(c) Clélia Schaeffer

« I Hope », performance conçue par Caroline Breton et Charles Chemin, se déroule comme le portrait d’une femme insaisissable, formé autant de gestes et de postures inspirés notamment des photographies de Francesca Woodman, que de fragments de discours empruntés à la littérature féministe (Virginia Woolf) et à l’actualité (Women’s March 2017 à Washington).

A travers le corps et la voix de Caroline Breton, donc, la tentative de nous narrer quelque chose non pas d’une femme mais toutes les femmes, dans ce qu’elles peuvent partager d’une condition d’être-au-monde : un certain tropisme pour la dissimulation et la mise en retrait et, dans le même temps, l’affirmation d’une lutte contre, l’éclatement d’une joie de protestation. Dans la répétition des mêmes gestes et postures, qui circulent de Caroline Chemin aux deux autres interprètes féminines, Alice Stern et Elsa Cecchini, s’effectue alors la manifestation de cette condition commune ; gestes de soumission et de libération repris tour à tour, gestes d’effacement et de manifestation de soi, gestes de folie et de malice qui deviennent autant de signes des fantasmes véhiculés sur la femme et des représentations que l’on a cessé de lui assigner. « I Hope » emporte précisément dans l’exposition d’un corps donné comme métamorphique, qui par la multiplication et la contradiction des gestes et des poses affirme en dernier lieu le mystère et la force des femmes, irréductibles aux représentations qu’on veut bien en donner.

Pourtant, on regrettera, face à cette intéressante dissémination, la mise à distance d’un discours féministe qui semble parfois utilisé avec une certaine ironie, ainsi que l’utilisation de slogans sonnant comme des poncifs un peu trop évidents. L’espoir annoncé dans le titre apparaît dès lors à double tranchant ; la promesse éclatante d’émancipation du corps fait ici défaut lorsqu’il s’agit de la langue et de la pensée. Cette « femme photographe », qui, gênée par le fait de faire attendre ses modèles, finit par se prendre elle-même en photo, ne saurait-elle trouver un chemin d’expression par le verbe qui puisse réellement nous atteindre et nous faire réfléchir ? Il manquerait à notre goût un bout de chemin pour étoffer une parole trop pauvre qui semble s’arrêter à mi-course, peut-être bloquée en amont par l’exigence formaliste de cette performance. Mais, indiscutablement, « I Hope » offre déjà une belle réflexion sur la perception du corps de la femme et sur la perception de soi, avec ses zones d’ombres, ses mécanismes latents et ses révoltes quotidiennes qui maintiennent l’espoir d’une liberté toujours à conquérir, toujours recommencée.