© Raphael Arnaud

Andréa, interprétée par Lou De Laâge, jeune philosophe descendante de migrants espagnols, a rendez-vous pour une interview avec Wassim, un poète syrien exilé. S’invitent alors au plateau une danseuse fil rouge-amie imaginaire, Descartes, la famille de Wassim, l’actualité et un policier syrien…

L’intention de départ de Sara Llorca surfe entre un questionnement sur la notion de liberté et le postulat que chez chaque exilé ce qui est restée coincée à l’endroit qui l’a vu naître et qu’il a fui, rend toute nouvelle rencontre périlleuse, voire impossible. En fin de création, une réalité s’est invitée dans ce débat : Elie Youssef, charismatique comédien libanais, prévu pour jouer Wassim, n’est arrivé qu’à J-4 de la première à cause d’un problème de visa. C’est donc une version avec une redistribution des rôles qui a été donnée. Une question s’impose alors :  qu’est-ce qui fait théâtre ? Ce que nous venons de voir sur scène à un moment T, dans une fragilité de première bousculée par l’actualité – la liberté de circulation des artistes dans la conjoncture mondiale actuelle ? Ou est-ce ce qui construit la pièce face à cet accident de parcours, et comment celle-ci se réinvente dans une autre forme qui questionne déjà sa configuration définitive ?

Si l’on opte pour la première solution, « La terre se révolte » souffre d’un trop grand désir de théâtralité, se noie dans un discours didactique en forme de mode d’emploi sur l’islam et le terrorisme, le tout porté par une scénographie entendue, des passages de tableaux brouillons et une direction d’acteurs discutable où le jeu connaît peu de nuances, perpétuellement en force, l’intensité voulue ne traduisant que trop rarement une émotion. Ce spectacle parle de poésie sans en trouver les codes, sauf dans la remarquable musique de Benoît Lugué et quelques beaux instants de danse d’Ingrid Estarque. Le constat serait sévère si l’on ne se penchait pas sur la seconde possibilité. Celle-ci traduit le théâtre dans ses fondements : l’esprit de troupe, la façon de transcender et enjoliver la réalité pour poser un geste artistique au-delà de toutes censures. En cela Sarah Llorca n’a pas failli, en incluant en urgence un monologue pour Elie, en trouvant une voie entre son désir, le vécu et la vie ; rejoignant par là le spectacle vivant et confirmant son nom de compagnie du Hasard Objectif.