(c) Stefan Dotter for Dior

A quoi tient donc cette énergie particulière, galvanisante et ténébreuse, qui irrigue les spectacles de Sharon Eyal et Gai Behar ? Il y a ces mouvements des corps juchés sur les demi-pointes, mus par des ondulations venues le plus souvent du ventre, quelque part entre la vague sensuelle et le spasme. Il y a, aussi, ce format de DJ set commun à leurs trois pièces sur le thème de l’amour, “OCD Love“, “Love Chapter 2” et maintenant “The Brutal Journey of the Heart” : à chaque fois une heure de danse, environ, sur la musique électronique d’Ori Litchik, sans pause aucune, et à chaque fois la musique saisit les danseurs depuis la première seconde du spectacle jusqu’au tomber du rideau, sans leur laisser jamais le moindre répit. Ainsi ces histoires d’amour sont des histoires de possession et d’épuisement, de corps possédés entièrement par une force qui est comme la vie même, la vie épuisante – une histoire qui ne laisse aucun espace entre le mouvement et l’immobilité qui serait comme la mort – , et il se joue quelque chose dans le regard que les danseurs adressent au public qui instille le tragique, comme une corrida : leur regard, encore humain, nous interpelle, mais leur corps est livré à la transe, et leur regard est comme une invitation obscène, et aussi un reproche, qui interroge notre sentiment à regarder ainsi les passions violentes et contradictoires animant ces corps dansants : le désir, la joie, la souffrance ; l’amour.