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Avec « La Tendresse », Julie Berès ébranle de nouveau les stéréotypes de genre, dans une partition co-écrite avec Alice Zeniter, Kevin Keiss et Lisa Guèz, à partir des témoignages de jeunes hommes interrogés sur leur rapport à la virilité.

Cette pièce chorale est incarnée par sept comédiens (Junior Bosila, Natan Bouzy, Alexandre Liberati, Tigran Mekhitarian, Djamil Mohamed, Romain Scheiner et Mohamed Seddiki) qui rivalisent de talent et d’énergie aux côtés de Naso Fariborzi, danseuse et interprète qui irradiait déjà le plateau de « Désobéir ». Dans ce précédent spectacle, la transgression s’imposait comme une voie d’émancipation féminine, tandis que la tendresse est convoquée, à rebours, comme le moyen d’échapper aux archétypes de la virilité et à ses injonctions contradictoires. Ce spectacle raconte dans la rage, les rires et les larmes, la difficulté d’être « un homme mon fils », et les répercussions intimes de récentes remises en question, qui désaxent les certitudes du patriarcat.

Ce qui frappe avant tout, c’est la générosité des interprètes, qui s’affirme dans un « rentre dedans » explosif et sans relâche. Difficile de résister. « La Tendresse » désarme au contraire. Ce sentiment culmine au moment où les acteurs viennent éprouver leurs techniques de drague auprès des spectatrices. On les voit venir avec leurs formules ridicules et leurs postures de cabotins, mais on se laisse volontiers attendrir par ces garçons qui rient d’eux-mêmes et de leurs limites. Tout y passe : la guerre, le porno, la violence, le racisme, l’homophobie et la misogynie jubilatoire du rap. ça crie, ça rit, ça se bat, ça danse, ça tombe et se relève. Et on se lève aussi, galvanisés. Mais qu’applaudit-on exactement ? Le néo-féminisme assumé de ces jeunes hommes, ou leur discours désabusé face au délitement de leurs privilèges ? Comment renoncer au pouvoir sans y perdre et se perdre ?

Ce débat un peu flouté est balayé par l’efficacité de la mise en scène. Plutôt que de s’apitoyer sur le sort des hommes ou de les accabler, « La Tendresse » éprouve d’autres formes d’émancipation : celles de la bienveillance, la douceur et la joie. Le renoncement au pouvoir ne serait pas une dépossession, mais le meilleur moyen de se libérer des imprécations d’une hétérosexualité normative et pesante. Vous bandiez ? Et bien dansez maintenant !