© Nicolas Claris

Si la légèreté du titre de ce spectacle « Fantaisie Tzigane », à l’instar des volants aériens des danseuses, pourrait laisser entendre que l’on va assister à une simple bagatelle aux accents tziganes, force est de reconnaître que ce spectacle jeune public, écrit et mis en scène par la danseuse et chorégraphe Chloé Guêze, accompagnée au plateau d’Adeline Détée, dépasse l’horizon d’attente que son titre aurait pu laisser poindre dans l’esprit du spectateur.

Le talent de Chloé Guêze est d’avoir su tisser, en une série de tableaux chorégraphiés par le bouillonnant Petia Iourtchenko formé au Théâtre Romen de Moscou, les couleurs virevoltantes des robes tziganes avec les fils ténus d’une culture rom réduite, par les hommes et par l’Histoire, à n’être plus qu’un pâle reflet de cette civilisation aux mille visages. La quête effrénée de ces deux fées tziganes, Urma et Ursula, sous la menace de leur sœur Ursitory, qui vit dans l’obscurité et dévore la Lune, n’est pas sans rappeler l’errance de tous les peuples tziganes. Les lumières, habilement utilisées, habillent les deux danseuses et créent une ambiance onirique qui nous rappelle que le théâtre pauvre est aussi le plus fécond. La musique, ingénieusement arrangée par le compositeur et claveciniste bordelais Antoine Souchav’, accompagne subtilement les pas des danseuses.

Nous (re)découvrons ainsi, à travers le substrat mythique de cette histoire simple et belle, que la culture rom prend racine dans la même terre indo-européenne que les mythes fondateurs de la civilisation gréco-romaine. On le sait depuis longtemps, mais pourquoi l’a-t-on oublié ? Ces Parques, maîtresses de la Nuit et de l’Aube, déliant le fil du destin qui permet aux âmes de franchir le fleuve des morts, sont nos sœurs. Et, dans le rythme saccadé des claquettes, nous croyons entendre les battements d’un même cœur. Si la beauté des danses – quel moment fascinant que cette danse d’Urma sur la Montagne des Chats ! – confère au mythe un chatoiement particulier et nous entraîne dans un feu d’artifice de couleurs, nous n’oublions pas que ce spectacle nous parle avant tout de l’autre, de l’humanité. Notre humanité.