Lætitia Dosch collectionne vignettes et bons points

Un album

(c) Gg, Dorothée Thébert Filliger

(c) Gg, Dorothée Thébert Filliger

Avant de devenir l’égérie d’une certaine tendance du cinéma français en tenant le premier rôle de « La Bataille de Solferino », Lætitia Dosch était une comédienne de théâtre. La voilà qui revient une fois encore avec son seul en scène « Un album », dernier volet d’un triptyque et hommage à peine voilé à Zouc et à son « Alboum » des années 1980.

Le genre n’est pas sans écueil. Depuis quelques années, on nous abreuve de one man shows et autres stand up à tous les repas, ces spectacles plus ou moins réussis donnant régulièrement l’impression d’avoir été bâclés sur un coin de nappe un soir de beuverie pour rigoler entre copains. Alors que vaut le one woman show de Lætitia Dosch ?

À première vue il ne se distingue pas trop de celui de ses petits camarades, même s’il apparaît de bonne facture. On y retrouve des figures quasi incontournables du genre : le psy acariâtre, la mère de famille bourgeoise hyper névrosée, la directrice de casting odieuse. Et puis, très vite, la machine s’emballe. Un simple geste crée la liaison entre deux personnages tandis que d’infimes variations dans la voix et dans la posture de Lætitia Dosch permettent de comprendre que l’on a changé de personnage.

L’album que l’on voit, c’est l’album de famille que l’on feuillette, de plus en plus vite parce que parfois on s’ennuie un peu, mais avec de la tendresse pour tous les personnages. Ici, pas de revendications politiques ni féministes (ce qu’on pourrait, par ailleurs, un peu déplorer). Il n’y a que le plaisir de jouer. Et ce plaisir se révèle communicatif, même si on a parfois du mal à suivre l’ouragan Lætitia Dosch.

Alors pourquoi aller voir « Un album » ? Parce que, contrairement aux grosses machines du genre, on ne verra pas Lætitia Dosch partout. Parce que quitte à rire, autant rire intelligemment. Parce qu’il est toujours agréable de sortir des sentiers battus et de se sentir défricheur. L’album de famille de Lætitia Dosch tourne depuis 2014, preuve que le spectacle marche, que le public en redemande, et qu’il existe une alternative à ce qu’on nous propose en 4 x 3 mètres dans le métro. Chose rare, on peut même aller voir le spectacle si on n’a pas aimé « La Bataille de Solferino », précis de la névrose petite-bourgeoise en période d’élections qui nous avait fortement déplu. Allons jusqu’à dire qu’il faut aller voir « Un album » si l’on n’a pas aimé le film de Justine Triet, pour redonner une chance à Lætitia Dosch et se rendre compte que la comédienne vaut bien mieux que le rôle qui l’a révélée au cinéma.

À vrai dire, chez I/O, on a même envie de retourner voir le spectacle. Pourquoi ? Déjà, parce que cette critique a été écrite après visionnage d’une captation du spectacle, et qu’on a très envie de juger la prestation de Lætitia Dosch sur pièces et sur place. Ensuite parce que la comédienne a eu l’idée intéressante de présenter « Un album » non pas dans la salle du Point éphémère, mais sur le toit-terrasse. Qui est assez fou pour proposer une série de représentations en extérieur, au cœur du brouhaha du XIXe arrondissement, entre une sirène de flics et les bruits des clients du bar d’en bas mérite qu’on s’intéresse à lui. Enfin, parce que depuis 2014, l’actualité a malheureusement donné à Lætitia Dosch une occasion de s’attaquer aux sujets de société. En effet, dans son numéro inaugural, la jeune femme campe une voyante spécialisée en catastrophes mondiales, et qui esquisse discrètement la silhouette du World Trade Center. Dans une France post-Charlie et post-13‑Novembre, il nous semblerait invraisemblable que ce texte n’ait pas été modifié.