Se masturber est bon pour la santé

The Guided Tour – Once We Shared Consequent Masturbation

© Maria Baoli

Jusqu’alors, je n’avais réellement conçu que deux sens au mot « masturbation ». La douce et intense stimulation physique, peut-être la version la plus évidente, en premier lieu ; et puis le versant négatif, désignant un certain pédantisme intellectuel. Avec Nastio Mosquito, je devais élargir mon horizon par une réévaluation du terme. Ici, le vagin incarne bien entendu l’idée d’une origine, mais aussi celle d’une pulsion, d’un mouvement. La masturbation se fait processus, ouverture de soi sur le monde et l’art ; comme la recherche de ce point vital d’où nous venons tous, qui nous habite et nous meut. De ce qui nous préoccupe vraiment, au plus profond de nous. De ce que nous voulons titiller, remuer, libérer.

Pendant le « Guided Tour », le public s’en va à la rencontre des œuvres présentées dans l’exposition « The Absent Museum », en suivant celui qui s’érige, l’espace d’un instant, en « guide suprême ». Mosquito crée, avec beaucoup de force, un moment de poche saisissant : un circuit aux allures de rite initiatique où l’on s’abandonne, un verre à la main, au charme de celui qui nous incite à accepter notre médiocrité comme une délivrance. Un petit coup d’adrénaline. Accepter l’échec est la clé qui ouvre la poursuite de ce tour métaphysique et artistique : l’inhibition est déjouée dès le premier moment.

La « vaginocratie » prônée par l’artiste est un prétexte pour rejouer une maïeutique chamanique, faite de gospels et d’interjections qui rassemblent et dispersent le groupe au rythme de sa voix puissante et hypnotique. Le format libre de la performance joue sur le fil de l’inattendu et module à loisir la magie de l’instant et des circonstances, toujours renouvelée avec chaque public. Le geste de Mosquito, malgré ses airs autoritaires, est d’une grande souplesse et laisse une assez bonne marge aux spectateurs pour intervenir et réagir à l’envi.

Dans cette quête, Nastio Mosquito cherche à saisir quelque chose d’essentiel et pourtant d’assez difficile à cerner. Avant tout, l’artiste nous rappelle à la force primaire qui nous a tous et toutes un jour touché(e)s : celle du vagin créateur et du mouvement masturbatoire comme de la reconquête de ce lieu originaire. La volonté de chacun et du groupe fait ensuite le reste. À partir de cette image se déroule un fil d’instants épars inégaux : montées d’escaliers, vagabondage dans les salles, redescente cathartique dans l’immense ascenseur en fin de parcours. On termine sur une pirouette qui ne rend pas hommage à la magie du début, mais on en reprendrait pourtant bien une part. Car Nastio Mosquito ne tombe jamais dans la caricature, dans l’excès pour l’excès. Sa proposition fait sens et nous emporte sans détours, pour finalement exploser en mille perspectives, fluctuant d’un spectateur à un autre. Mosquito joue entre simplicité, surfaces et profondeurs, en laissant l’art résonner à sa juste valeur pour chacun(e) d’entre nous. S’il se présente en dictateur « vaginocrate », il est peut-être plus encore un passeur, maître de notre attention mais libérateur de notre regard, nous guidant jusqu’à l’angle mort où seuls nous pouvons scruter ce qui nous transporte et nous fait vibrer.