Vivre le son

Within: Exhibition

© Florian Kleinefenn

Une exposition, une série de concerts, un atelier de « massages sonores » : pour cette édition 2017 du Kunstenfestivaldesarts, Tarek Atoui occupe le devant de la scène. Installé au centre de Bruxelles, dans le palais Dynastie même, le travail de l’artiste s’impose comme un incontournable du festival, à la manière d’un cœur battant, que chacun est libre de venir voir – ou plutôt écouter – tout au long de la journée. Écouter mais surtout vivre, percevoir, ressentir. C’est toute une nouvelle approche du son qui nous est ici proposée ; et, à vrai dire, ce serait une erreur que de s’en priver.

Depuis une première forme d’expérimentation en 2010, le geste créateur à dimension collective de l’artiste s’est étoffé, en résonance avec divers projets. On pensera, par exemple, à l’atelier de Jeffrey Mansfield, qui chercha à faire découvrir l’architecture par l’expérience tactile et à interroger le potentiel sonore des volumes et motifs à l’occasion du projet de recherche collectif « Tacet » (2013) puis de « Signes et son » (en cours). Le travail de Tarek Atoui, nourri à ce contact avec d’autres artistes et chercheurs et par ses rencontres avec des personnes malentendantes, se déploie progressivement de manière sensible et merveilleuse, comme le retracent quelques vidéos explicatives au sein de l’exposition.

« Within » rappelle que le son est une onde, qui se propage dans l’espace mais aussi au travers et dans les corps ; une matière invisible qui fait vibrer parois et solides, qui frétille en surface et pénètre les choses. En se défaisant de l’ouïe comme récepteur premier du son, le visiteur redécouvre la complexité des objets sonores, grâce à une batterie d’instruments amplifiés et d’installations spécialement créées. Tarek Atoui interroge et explore notre rapport au son, en déclinant tous ses paramètres possibles, du côté tant de la production que de la réception. Il s’agit moins d’écouter le son que d’être à l’écoute de soi-même, de rester aux aguets de ce qui nous traverse ; mais aussi à ouvrir les yeux, à observer l’espace, là où le son est créé, et la manière dont le spectateur réagit en retour. Mouvement de repli et d’extension : le corps entier devient malléable aux pulsations de timbres, de rythmes et de densités variables.

Reléguant le substrat harmonique au second plan, la dimension physique du sonore est revalorisée sous bien des aspects. Si l’on peut choisir de se laisser pénétrer par les vibrations des enceintes qui parcourent la pièce, on peut aussi jouer des magnifiques instruments de métal et de bois, ou encore activer des dispositifs électroniques, sous l’œil aguerri de l’équipe. Corps, son et composition se trouvent ainsi intimement mêlés dans ce projet ambitieux, qui transforme toute personne en potentiel corps résonateur et émetteur de vibrations sonores.

L’espace est ouvert à la circulation et permet d’embrasser du regard l’ensemble des instruments qui s’offrent comme autant de petits îlots sonores. L’expérience est forcément collective : rien ne peut être activé seul, et, quand bien même, on aurait encore besoin d’un guide dans cette reconquête déroutante. Un instant de recueil et de partage, donc, qui se vit pleinement, au rythme de chacun.