Les rideaux latéraux de la scène sont retirés, révélant les instruments de l’ensemble, installés à jardin et débordant légèrement sur le tapis de danse blanc. Le fond de scène s’éclaire d’un rouge profond. Les interprètes entrent depuis le bord plateau, comme lors d’une répétition. Les musiciens de l’ensemble London Sinfonietta et danseurs de la Dance company Sasha Waltz & Guests arrivent de la même manière, leurs silhouettes se détachant sur le fond rouge et qu’on voit se déplacer d’un point à l’autre à des rythmes différents, marchant comme s’ils cherchaient leur juste place.
La pièce affiche d’emblée la connivence de la musique, en l’occurrence « In C » de Terry Riley, et du mouvement, en démarrant avec les musiciens et les danseurs réunis dans un même espace, marchant ensemble. Les danseurs portent des pantalons ou des shorts taille haute, associés à des marcels très échancrés sous les aisselles, dans des tons unis. Chaque danseur est vêtu selon une combinaison de couleurs spécifiques en duo avec un autre : deux danseurs en rouge, deux en jaune, deux en bleu clair, etc.
Une fois que chacun a trouvé sa place, danse et musique commencent. L’esthétique proposée reste assez attendue dans le cadre d’un dialogue avec de la musique minimaliste : beaucoup de bras tendus, de mains et de doigts allongés, de regards dirigés par les mains, de corps suivant leur impulsion. On observe un travail marqué sur les quarts de tour, les angles, une géométrie rigoureuse à la fois dans les corps et dans l’espace, comme une manifestation corporelle du découpage des mesures de la musique. Cela évoque inévitablement le lien entre Anne Teresa de Keersmaeker et un autre grand nom du minimalisme musical, Steve Reich.
Les danseurs sont très présents les uns aux autres, souriants, ouverts et à l’écoute. La chorégraphe a présenté la pièce comme une réflexion constante sur ce qui est bon pour tous, et non pour un seul. Il faut sans doute le savoir pour le percevoir et encore. À un moment, un danseur s’appuie sur un musicien, mais ce geste ne sera pas développé davantage. Cela reste un détail, comme une métaphore éruptive du rapport entre les uns et les autres.
On remarque une grande richesse dans les micro-détails du mouvement : un léger relevé de talons sur un quart de compte, une inflexion discrète. Deux danseurs, à un moment donné, dansent sur les gradins, entre les spectateurs. Là encore, ce n’est pas un statement, juste une petite sortie de route, qui participe du charme du spectacle.
Certaines compositions sont très belles, presque sculpturales, avec des corps en arabesque qui se figent. Cela dit, l’esthétique générale commence à apparaître comme un peu datée. On est ici dans des références très marquées : modernes, postmodernes, sans y trouver un réel dépassement ou une contemporanéité nouvelle. Cette esthétique moderniste – droiture des corps, ancrage, palette de couleurs essentialiste, projection de lumière colorée en fond de scène comme sur les corps comme un jeu de révélation chromatique – peine à retrouver une pleine pertinence en 2025. Le minimalisme ne perdra jamais sa beauté et produit encore de beaux spectacles mais celui-ci peine à renouveler sa radicalité.