
(c) Vimala Pons
« Le Périmètre de Denver », précédente création de Vimala Pons, nous avait laissé avec une sensation d’esquive de toute herméneutique de surplomb, de toute tentative de figer un sens définitif, au profit d’une forme poétique et polysémique. « Honda Romance » suit le même sillon, avec un résultat scénique à la fois plus radical et plus bancal.
Ce nouvel opus en trois séquences décline autant de modalités de trajectoires d’un corps : la verticalisation, d’abord, dans une lutte contre la dépression symbolisée par un satellite Honda en taille réelle – qui donne son nom au spectacle – écrasant un corps, celui de Vimala Pons, se relevant lentement et péniblement ; les surgissements déséquilibrés, façon cut-up oralisés, ensuite, galerie de gestes, de courbures, fragments de micro-situations d’une demi-phrase aussitôt interrompue et contrariée par des canons à air ; enfin, une déambulation horizontale et chorale, plus rigide et cadrée, parallélisant des trajectoires qui tiennent autant du défilé de mode surréaliste que d’un héritage de représentation de la répétition dans la chorégraphie contemporaine de Maguy Marin à Olivier Dubois en passant par Boris Charmatz et ses « 10 000 gestes ».
C’est cette ultime séquence que nous retiendrons comme la plus frappante. Esthétiquement, d’abord, dans une recherche de variations que n’auraient pas renié Douglas Hofstadter et son analyse comparative de la créativité des déclinaisons formelles chez Gödel, Escher et Bach dans son ouvrage éponyme de 1979 : un précipité ambivalent, hétérodoxe et ludique de gestes ultra-symboliques. Avec une précision rigoureuse, au pas près, ressortissant davantage d’un minutieux travail keersmaekarien que de l’improvisation circassienne dont elle est familière, Vimala Pons déploie un dispositif scénique tout aussi minimaliste qu’hypnotique, dont la charge esthétique est décuplée par la restitution, par les neuf choristes-déambulateurs, d’une envoûtante composition de Rebeka Warrior.
Si les deux premières séquences peuvent sembler plus faibles, ce n’est pas tant dans la concrétisation de leurs idées scéniques que dans l’échec apparent entre l’interaction entre la forme et le sens : le tableau inaugural, pour frappante que soit sa composition scénographique, aussi bien que la seconde séquence qui consacre une forme d’avortement de la parole, sont quelque peu alourdies d’une surcharge de mots, pas toujours inspirés, et n’apportant pas grand-chose à la représentation corporelle des états émotionnels. Et c’est précisément la force du troisième volet que de réduire la parole à sa portion congrue et musicalisée – An experience that you will understand in a few days, nous dit-on. Un programme de conscience qui, finalement, relativise peut-être l’échec relatif de ce qui le précède, affirmant que toute tentative solitaire de sortir d’un affect triste ne peut être qu’une simple étape. Rien de plus normal, dès lors, pour une artiste de scène comme Vimala Pons de retrouver la possibilité de recherche du sens dans une forme de discipline collective qui tient autant de la cérémonie que du jeu.
