Avertissement de comportement

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(c) Marc Ginot

(c) Marc Ginot

Il est des artistes, comme Mette Ingvartsen avec son « 7 Pleasures », qui choisissent de s’emparer des poncifs de la scène théâtrale contemporaine pour mieux démontrer et revisiter leur puissance infinie. Et puis il y a Rodrigo García. Rodrigo et sa bonne vieille fureur adolescente dont il est manifestement persuadé qu’elle rime encore avec subversion. Mais alors qu’en 2002 il nous disait à Avignon avec justesse « Je crois que vous m’avez mal compris », aujourd’hui, comme il nous le disait en 2010 au même endroit, nous sommes tentés de lui dire qu’on ne l’aime plus, et que « c’est comme ça me faites pas chier » ! Mais on ne peut pas. Pourquoi ? Parce que Rodrigo García, pour le public qui l’a aimé, serait un peu l’équivalent pour un professeur de l’élève qu’il a mené jusqu’au bac et qui finit par échouer… juste pour emmerder le monde. García aurait certainement pu être un des metteurs en scène et dramaturges les plus essentiels de son temps, mais, conscient de son génie et désireux de ne pas entrer dans le système, il a choisi de se mettre à la marge à grand renfort d’images choquantes à bon marché. Et c’est dommage, car il ne suffit que de quelques bribes de ce « 4 » pour voir, savoir et comprendre l’épatante sensibilité de cet homme. Il est dans ce spectacle bête et méchant des images qui restent et resteront malgré tout, d’une nostalgie crasse et d’une beauté dévastatrice. Quoi de plus beau que ces petites filles qui dansent déguisées en cagoles devant l’évaporation de ces rêves qu’elles n’ont même pas encore eu le temps de faire ? Quelle plus belle utilisation des chairs que ces éternels combats sexués qu’on retrouve dans presque tous les spectacles de l’Espagnol ? Peu de chose. Et ce peu de chose fait de cet homme à la fois la plus belle apparition et le plus triste gâchis de ces dernières années. Un paradoxe, comme l’artiste qu’il est, qui ne cesse de courir sur le fil séparant l’art qu’il exerce de sa propre mort. Sans jamais se retourner.