Hystérie maîtrisée

Le Cas de la famille Coleman

D.R.

D.R.

Lauréate du prix Théâtre 13 en 2013, Johanna Boyé, jeune metteur en scène au parcours déjà bien rempli, revient en Avignon avec « Le Cas de la famille Coleman » avant d’emmener sa troupe en tournée.

L’auteur argentin Claudio Tolcachir nous dépeint là une famille bordélique à souhait, sans un sou pour se payer le luxe du café matinal et parfois un peu déviante sur les bords. Les Coleman vivent les uns sur les autres dans un petit appartement mal entretenu, entre cris et crises de nerfs, s’organisant tant bien que mal autour de Néné, mère de famille simple d’esprit, et de Marito, frangin psychopathe incarné par le très bon Paul Jeanson. Cet équilibre désordonné est soudain bousculé par le malaise cardiaque de la grand-mère, qui va les obliger à ouvrir la porte vers l’extérieur et à libérer des envies d’ailleurs.

Johanna Boyé nous plonge illico dans le bain tourbillonnant du quotidien des Coleman, une atmosphère nauséabonde et miteuse où évoluent cinq personnages remarquablement distribués. Cependant, le tournis vient rapidement à nous prendre, ça tourne, ça court, ça saute, ça crie, et la volonté de figurer le chaos familial tend à l’hystérie générale. Cette première partie démarre fort et se trouve très vite bloquée à un niveau de tension linéaire, heureusement cassé par le malaise de Grand-Mère, qui ouvre une brèche dans le mur de cette prison domestique.

La chambre d’hôpital, grise et aseptisée, sera le décor du second tableau, théâtre de l’explosion des Coleman. L’arrivée de Veronica, fille prodige élevée auprès de son père, vient mettre en exergue les dysfonctionnements cocasses du noyau familial et révéler ses cruels secrets. Le rythme s’apaise et nous donne le temps de nous attacher encore un peu plus à Néné et à Marito, qui demandent une surveillance constante, et de remarquer ce sentiment de culpabilité qui oblige les autres à rester.

« Le Cas de la famille Coleman » est une peinture acide et burlesque de ces non-dits et absurdités assimilées qui nous poussent à demeurer fidèles à notre tribu. Peinture qui souffre étrangement d’un manque d’investissement émotionnel, au profit d’une chorégraphie millimétrée et d’un rythme endiablé. Ce petit quelque chose qui parvient jusqu’au cœur.