Complètement kaput

Kaputt

Kaputt

(c) Hélène Paris

« “Kaputt” est un travail d’adaptation à la scène de récits contenus dans le livre éponyme de Curzio Malaparte, paru en 1943 », lit-on dans le dossier de presse. Outre l’emploi erroné du terme “éponyme”, on restera perplexe devant le reste de la description du projet de Pougeard et Adam. « Adaptation à la scène » ? Alors qu’il s’agit d’une lecture-récitation ? Joliment exécutée, certes, mais une simple parole de conteur, sans dramaturgie, sans décors, sans tambours ni trompettes ? (Dommage pour une œuvre sur la guerre.) On s’interroge : pourquoi défendre un tel projet sur une scène avignonnaise ? Pourquoi aussi long (1 h 20) ? Pourquoi la nécessité fabricelucchinienne d’oralité sur un texte littéraire ? Malaparte est un géant méconnu de la littérature du xxe siècle ; il existe bien d’autres manières vitales de manifester sa présence sur une scène de théâtre.

Et puisque la compagnie L’Allégresse du pourpre a décidé de ne livrer que le texte brut et fragmenté à nos oreilles, nous choisirons donc de faire de même dans cet article : « (…) Les Allemands se mirent à tuer les prisonniers qui avaient les pieds malades et ne pouvaient pas marcher, à brûler les villages qui n’arrivaient pas à remettre aux pelotons de réquisition un nombre donné de mesures de blé ou de farine, un nombre donné de mesures d’orge ou de maïs, un nombre donné de chevaux et de têtes de bétail. Quand les Juifs commencèrent à manquer, ils se mirent à pendre les paysans. Ils les pendaient par la gorge ou par les pieds aux branches des arbres, sur les petites places de village, autour du piédestal vide où, quelques jours plus tôt, se dressait la statue de plâtre de Lénine ou de Staline, ils les pendaient à côté des corps des Juifs délavés par la pluie, qui oscillaient sous le ciel noir depuis des jours et des jours. »

La suite se trouve aux éditions Denoël.