Délier la langue

La Convivialité

La Convivialité

D.R.

Le mot « improbable » est devenu, ces dernières années, l’adjectif passe-partout dont l’usage à répétition frise l’insupportable. Rien de plus improbable, pourtant, que cette « Convivialité » belge : une invitation, pour dix spectateurs seulement, à venir cogiter pendant 25 minutes à la réforme de l’orthographe, assis autour d’une table, un apéritif à la main. Pas franchement la proposition typique d’un après-midi avignonnais !

La cause est noble, cependant. L’enseignement du français, figé autour d’une codification arbitraire de la langue et de la grammaire, est une source de complexes et de discriminations qui jaillit bien au-delà des bancs de l’école.

Seulement, voilà, « La Convivialité » n’est pas spécialement conviviale : passé les minutes introductives avec verre de blanc et saucisses cocktail, que reste-t-il d’échange ? Faire reposer l’entièreté de l’interaction sur la capacité d’intervention spontanée du public est une fausse bonne idée. On se retrouve pris en otage dans une position d’élève à qui on délivre une leçon d’histoire sur la langue. Tout le contraire de l’objectif à atteindre.

Pourquoi, par exemple, ne pas inciter aux réactions en accueillant les spectateurs avec un simulacre de dictée, pour mieux en démonter le principe ? Pourquoi ne pas miser davantage sur l’illustration, sonore ou visuelle, à l’instar de ce drôlissime procédé oulipien de reconnaissance vocale ? Bref, on veut plus de théâtre, et moins de conférence.

« La Convivialité » aurait tout pour plaire aux amoureux du français comme aux autres s’il n’était tout aussi frustrante que l’embarrassante réforme orthographique qu’elle appelle de ses vœux. Reste le remarquable dispositif, et l’opportunité, originale et rafraîchissante, d’un débat sur la transmission de la langue.