Si Dieu est mort, rock is still alive

Désertion (Jour 0)

Desertion
Un homme est allongé en croix sur des draps blancs immaculés. On suppose une chaleur moite, un ennui tenace, une désespérance inconnue.

Le lieu : Tel Aviv. Mais aussi Ramallah. Et Paris. Pourquoi pas après tout. L’ennui n’a ni temps ni frontière. Mais le lieu n’est pas anodin en ce début de siècle.

Le temps : celui de cet homme, rotant de mauvaises bières, se filmant soi-même dans une tentative masturbatoire aux fins de casser la boucle de cette solitude complaisante. Là où l’on attend au moins Tanner et sa « ville blanche », là où Ibrahim Maalouf sait nous prendre le cœur par le haut pour Beyrouth assiégé, là, il y a sur scène un faux romantique concentré sur son seul désespoir vague. Une overdose de psychanalyse, soi, soi, soi. Autocélébration de son propre vide. C’est chiant comme la visite d’un musée de province tenu par des conservateurs taiseux guidant un collège de boutonneux fessebookés.

Dieu (qui est mort certes mais à qui il reste de beaux attributs qu’il déverse dans l’énergie du rock) intervient alors, inondant la salle de riffs rageurs et sonores. Tant et si bien que les deux seules petites vieilles du second rang s’enfuient précipitamment, effrayées par cette détonation d’armes lourdes.

Enfin ! Car dès lors on retrouve, pour évacuer la béance du propos lénifiant des débuts, les accents désespérés d’un Cantat meilleure période de Noir Désir. Lourd, romantique vraiment, rageur et sombre, ce contrepoint renvoie la légèreté insupportable du marmiton des sentiments à son bac à sable et le vrai propos surgit : Dieu souhaitera-t-il encore naître ? Servi par une voix splendide, des musiciens jetant des accords lancinants, l’esprit reprend pied dans une énergie qui fleure bon l’humanité et le fuck, death, and void. Il était temps.

C’est donc un spectacle où clairement il faut arriver en retard, Dieu vous attendra pour mourir.