C'est un métier d'homme

© Stephane Tasse

Fondé par Queneau, l’Oulipo est encore actif. Pour son cinquantenaire, l’association a proposé un “exercice de style” : une série de portraits déclinés sur un même modèle. La conférence de presse d’un skieur sur fond de publicités Rossignol, Sports 2000 ou Ovomaltine ouvre le spectacle. Ce portrait initie d’autres portraits, celui du séducteur, du tueur à gages, du buveur…
Pour les Oulipiens, la contrainte formelle est censée générer l’inventivité. Or, on a surtout affaire ici à des portraits téléphonés, qui manquent de loufoquerie. Les répétitions propres à l’exercice de style ne font que les affadir. On regrette que le portrait du jeune Français djihadiste en partance pour la Syrie, enfermé dans sa chambre devant son ordinateur, soit si peu percutant. Pourtant, les deux comédiens, qui ont signé l’adaptation, s’emploient de leur mieux à faire exister ces textes sur le plateau. Ils se travestissent, recourent à la vidéo pour filmer les loges ou le public, qu’ils n’oublient jamais de solliciter.
Les procédés sont certes un peu usés. La scène, une parodie de la séquence des australopithèques de 2001, l’Odyssée de l’espace qui clôt la pièce, pourrait être assez réussie visuellement. Serait-ce aussi une allusion au Moses de Castellucci, qui cite le même film? Ce sketch du “terminateur de spectacle” s’accompagne en tout cas de considérations sur le théâtre subventionné. Tout y passe, “l’argent du contribuable dilapidé”, “les propositions subversives qui font la nomination aux Molières”, les “scénographies déstructurées” et autres “dramaturgies conceptuelles” qui consistent à “introduire un fémur de mammouth dans l’anus de votre partenaire”.
Cette rhétorique bien connue se veut métadiscursive et pleine d’autodérision. Mais, faute d’une véritable écriture, elle sonne ringard. Comme la chanson de Daniel Guichard qui achève le spectacle.