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Contrôle

D.R.

D.R.

Je voudrais témoigner, ici, du profond respect que m’inspirent les tracteurs. Dans les rues d’Avignon, on les voit par dizaines, racoleurs et braillards, boucher la circulation aux festivaliers pour notre bien commun à tous : ils portent la nouvelle. L’un d’eux, ronronnant, m’a convaincue d’aller voir « Contrôle » au théâtre des Hauts Plateaux/La Manutention, grâce à d’efficaces mots-clés glissés dans son pitch : « surveiller » + « punir » + « panopticon » = réflexe pavlovien de stimulation foucaldienne. Oui, oui, je fais lourdement référence à « Surveiller et punir », bible des doctorants en sciences humaines. Mais la suite de l’article sera moins nerd-friendly, vous pouvez donc poursuivre.

Le spectacle s’ouvre sur une géniale danse macabre où un non autoritaire et répressif (Gurshad Shaheman) interdit le geste, le mouvement et la marche d’un corps devenu sa propre prison (Vidal Bini), sous l’œil de caméras faites pour zoomer sur une distance de 4 kilomètres, piégé par un réseau wifi capable de nous géolocaliser, partout. Et puis bientôt, il n’y a plus qu’un corps en scène, qui danse avec… un MacBook. Hello angoisse.

Bref, ça part bien, mais ça ne dure pas. Michel Foucault passe à la trappe au profit d’un cynisme un peu démodé, un peu 2001, un peu uchronie bigbrotherienne. Du coup, ça me rend re-intello, cette scénographie figurative et sémiotiquement redondante qui montre ce qu’elle dit, de la mobilisation « Occupy » à la propagande anti-Amazon. Quel dommage d’avoir opté pour ce tapage hashtagueur au lieu d’exploiter les ressources baroques et barrées du panopticon, à la manière de séries comme « Real Humans » et « Black Mirror » ! Bref, je me suis sentie comme une transhumaine incomprise.