Un Horváth en chapiteau, sobre et enlevé

Don Juan revient de la guerre

Don Juan

(c) André Muller

Le chapiteau du théâtre des Halles accueille le « Don Juan revient de la guerre » (1935) du dramaturge de langue allemande Ödön von Horváth, dans une mise en scène sobre et enlevée signée Guy-Pierre Couleau (actuel directeur du Centre dramatique national d’Alsace).

La scénographie est frugale : deux tables, quelques chaises, à peine quelques objets, dont une vieille malle, un tableau noir côté jardin sur lequel sont projetées les indications de temps et de lieu (indispensables pour suivre le fil de l’intrigue), une dizaine de costumes peu fringants… C’est avec presque rien que les trois comédiens bricolent et font des miracles – un peu comme dans l’Allemagne dévastée d’après la Grande Guerre. Le texte de Horváth est très beau et dense, incisif mais tout en retenue, et bien servi par la traduction d’Hélène Mauler et René Zahnd (publiée chez L’Arche), par les choix du metteur en scène et par l’élocution parfaite des comédiens. Le parti pris est intéressant : Carolina Pecheny et Jessica Vedel interprètent tous les personnages féminins qui gravitent autour de Don Juan, comme si ces multiples femmes d’âges et de milieux sociaux différents n’étaient que les projections d’un même visage, celui de la femme. Et c’est en effet comme cela que les perçoit Don Juan, lui qui, de retour de la guerre, erre, malade, en quête de la fiancée qu’il a jadis trompée et dont il espère en vain qu’elle le rachètera. À l’inverse, Nils Öhlund interprète seul ce Don Juan sans prénom, mû par l’amertume et la solitude, et qui séduit par détresse plus que par amour des femmes, dont il délivre les multiples facettes et la complexité énigmatique. Le spectacle est très dynamique, plein d’allant, les comédiens jouent avec ardeur et engagement, et si les choix dramaturgiques ne sont pas tous convaincants on sort enthousiasmé de cette performance fulgurante.