Intérieurs

L’Origine del mondo

Lorigine-del-mondo

Au-delà du célébrissime tableau-manifeste de Gustave Courbet, l’origine du monde semble être tendance ces temps-ci. Deux pièces à l’affiche sont ainsi nommées, deux visions fondamentalement différentes mais pourtant étrangement parentes. L’air du temps, instable et dangereux, pousse-t-il nos inconscients à revisiter notre lien avec la mère ? Tandis qu’au théâtre du Rond-Point la maternité se veut décomplexée et traitée avec une fraîcheur salutaire, à la Colline on s’interroge, on s’introspecte, on fouille dans les recoins de nos âmes, on crée du lien pour tenter de comprendre ou tout du moins de s’apaiser. Lucie Calamaro signe texte et mise en scène et offre le plaisir de revoir sur scène Daria Deflorian (clairement la reine de ce Festival d’automne, voir I/O numéro 1) en mère et fille obsessionnelle : « Il existe des recoins desquels on ne peut plus sortir parce qu’ils sont une étrange prison de paix, de repos, d’y être sans y être, des angles arrondis […]. Des angles gentils. Ici vit Daria, dans son coin. » Tout ici est histoire d’intérieur ; la maison bien sûr, de laquelle il est difficile de s’extraire et que la scénographie assimile à une nature morte, terriblement banale mais chargée de sens. Le foyer devient alors la métaphore du moi, omniprésent, qui s’exprime en élucubrations continues, sans jamais parvenir à échanger avec l’autre mais en sondant le quotidien dans l’espoir mort-né d’y trouver des réponses. Du contenu du frigo aux tâches ménagères, tout est prétexte à cette philosophie égoïste du quotidien qui résonne comme une tentative de lutte permanente contre la dépression. Même si ces trois heures de logorrhée (qui font écho à celles du Prince dans « Perturbation », de Thomas Bernhard, mis en scène par Krystian Lupa dans cette même salle) demandent au public une attention difficile à tenir sur la longueur, ce portrait de mères en filles, sublimé par les trois actrices, met en lumière que sa propre existence dépend souvent de la réinvention par le récit que l’on en fait.