Le montré et le caché

À mon seul désir

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

« À mon seul désir » démarre dans une belle pénombre qui enveloppe quatre femmes nues accrochant lentement des fleurs sur une tenture rouge. Cette scène constitue le point de départ d’une immersion de moins d’une heure dans « La Dame à la licorne », célèbre tapisserie du xve siècle composée de cinq tableaux clairement liés aux cinq sens, et d’un sixième nommé « A. Mon seul désir », sur lequel le mystère reste entier.

La majeure partie du spectacle s’organise selon trois principes : 1) L’évocation presque « do it yourself » de la tapisserie, la splendide modestie des moyens mis en œuvre (les lumières sont remarquables) contrastant avec la luxuriance de l’œuvre. 2) L’animation fantastique des éléments de cette tapisserie. Dame, licorne, lapins, perroquet, chien, lion surgissent alors, grâce aux masques revêtus par les danseuses (« Les animaux ne sont pas nus parce qu’ils sont nus », explique Gaëlle Bourges, citant Godard). Les mouvements, brefs et signifiants, mènent vers de courts tableaux immobiles. 3) Une voix off qui raconte, analyse, prend le spectateur par la main pour suggérer ce qu’on voit, et ce qu’on peut voir. Elle travaille à faire le lien entre le montré et le caché, à explorer les signes (la licorne, qui atteste de la virginité de la jeune fille, ou les lapins et leur lubricité).

Ce court développement charme par l’évidence de sa beauté, par son commentaire direct et sa sincérité, qu’aucune préciosité ne vient parasiter. Seul le finale, dans lequel Bourges imagine l’envers/enfer de la tapisserie et son sixième tableau, déçoit : la longueur de cette soudaine transe électrique en fait une sorte d’acmé, alors même qu’elle ne nous semble pas être ce que le spectacle a de plus fort à offrir. Au moins l’artiste y conduit-elle sa vision jusqu’à ce qu’elle imagine comme son aboutissement, selon son envie, son rêve – son seul désir, en somme.