Lear enterré

Le Roi Lear

(c) Christophe Raynaud de Lage

(c) Christophe Raynaud de Lage

Il aurait dû être jeté au fond du trou avec Lear et tous les autres, Py, à en lire les premiers retours excessivement virulents d’une partie de la presse, qui se réjouirait à jeter la dernière pelletée de terre !

Au centre de la scène, dans une symbolique appuyée comme à son habitude, Py fait littéralement disparaître le roi fou et sa bande de désaxés, animés par l’ambition, la colère, le pouvoir ou la déraison. Une fin qui s’étire, comme son spectacle, où le bouffon est poussé à l’extrême.

On reproche beaucoup au metteur en scène. Ses hommes nus ; s’indigne-t-on de la nudité dans « Les Idiots », « Soudain la nuit », « Richard III », etc. (le texte de Shakespeare lui-même montre pourtant Lear et Edgar nus) ? Sa Cordelia quasi muette ; et pourquoi ne pas accepter cette lecture utrasymbolique du refus de donner au pouvoir ce qu’il attend ? Le silence comme arme politique.

Sa réécriture vulgaire ou les excès, tant dans la mise en scène que dans la direction des comédiens, sont aussi pointés du doigt. C’est probablement là que se niche le hic. La traduction, voulue concise et percutante pour coller au rythme de l’Anglais, notamment en la modernisant, échoue dans un déclamatoire grandiloquent.

Les intentions ne sont pourtant pas inintéressantes, mais elles laissent un goût d’inachevé, de cible manquée. L’idée de personnages braillards, de folie généralisée, de dérèglements tantôt foutraques et grand-guignolesques aurait pu faire mouche. Py – malgré lui ? – met la démesure et l’outrance au service du stéréotype (Nâzim Boudjenah, Amira Casar, Jean-Damien Barbin et d’autres) plutôt qu’au service du drame qui se joue. À moins que la folie généralisée de la pièce de Shakespeare ne soit vue elle-même par Py comme un grand cirque pathétique. Peut-être.

La scénographie de Pierre-André Weitz se veut spectaculaire. On regrette pourtant une utilisation de l’espace scénique trop centrée, laissant cour et jardin totalement désertés.

Philippe Girard ? On a vu mieux, on verra bien pire. Comme ce « Roi Lear ». Calmons-nous.