L’homme est une femme comme les autres

L’Homme-Femme / Les Mécanismes invisibles

On arrive dans le bel amphithéâtre de la Parenthèse. Devant nous, D’ de Kabal, un rappeur-slameur plutôt colosse, dreads, torse nu, tatoué. Vêtu d’une simple serviette autour de la taille, il arpente la scène. Autour de lui, pas grand-chose – quelques sacs, des baskets, une chaise, un miroir : le décor naturel fait le travail. D’ de Kabal commence à parler. Il parle de ce qu’il appelle l’« intégrisme masculin » : les mécanismes invisibles de la domination de l’homme sur la femme. Il interroge sa propre sexualité, son genre, s’exprime parfois au féminin. Il évoque ces moments intimes, de troubles innommables où un homme et une femme se sont plu, s’apprêtent à faire l’amour, et subitement la femme n’a plus envie. Elle pense être allée trop loin dans la parade amoureuse et n’ose pas se refuser. Pour ne pas trop souffrir, elle « quitte son corps », se donne à l’homme, et l’homme n’y voit rien. Triste constat de l’aveuglement du désir.

D’ de Kabal slame, chante, joue et nous emporte dans son flow révolté. On ne savait pas à quel point un homme pouvait être féministe, on est content de l’apprendre ! On assiste à son questionnement tourmenté, à son besoin de comprendre l’autre, de ne pas abuser de l’autre. Jamais. Même par simple négligence. D’ de Kabal envoie valser tous les préjugés sur le rap machiste avec cet ovni théâtral. Nerveux, puissant, il fait ressentir la lutte sans merci que doit livrer un homme pour être bon. On aime la façon dont il s’applique à prononcer chaque syllabe, comme s’il voulait la planter dans nos corps. Son rythme effréné et virtuose coïncide avec sa quête tourmentée : sa quête de lui-même, sa quête de l’autre, son chemin vers un respect sans concession.