L’hypnose selon Trisha Brown

Solo Olos/Son of Gone Fishin’/Rogues/PRESENT TENSE

SonofGone_web

On était à la fois heureux et triste d’assister au dernier spectacle de Trisha Brown. Heureux, car chaque venue en France de la troupe de la chorégraphe américaine est un événement ; triste, car Trisha Brown a annoncé que cette tournée serait l’ultime tournée. En guise de cadeau d’adieu, elle nous offre quatre pièces chorégraphiques retraçant sa carrière. On est pourtant loin d’une compilation de ses œuvres les plus connues : son choix s’est porté sur des pièces parfois ardues, toujours exigeantes, et représentatives de son travail. « Solo Olos », « Son of Gone Fishin’ », « Rogues » et « PRESENT TENSE » constituent le programme, un panorama qui nous mène de 1976 à 2011.

Ce qui frappe chez Trisha Brown, c’est la précision mathématique, presque chirurgicale des chorégraphies, notamment dans « Solo Olos » – un solo multiplié par cinq. Les danseurs s’y accordent et désaccordent tour à tour, sans musique. Aux mouvements inversés de « Solo Olos » répondent ceux en miroir de « PRESENT TENSE ». On y découvre une gourmandise, une jubilation de la précision du geste. Tout est pointu, précis et particulièrement réjouissant. L’émotion explose littéralement dans « Rogues », la pièce la plus courte et la plus accessible du programme. Ce duo à la sensualité évidente émeut par sa douceur. Douceur des mouvements, mais aussi de la lumière et de la musique qui caressent, soulignent et accompagnent les deux danseurs, chacun terminant les gestes de l’autre comme dans un couple fusionnel. De douceur, on en trouvera nettement moins mais qu’importe dans « Son of Gone Fishin’ », tourbillon incandescent, sorte de cérémonie païenne marquée par la contamination de la musique aux danseurs. Au cours de ce tableau, deux pauses où les danseurs se figent quelques secondes, comme pour laisser aux spectateurs le temps de reprendre leur souffle. Hypnotisant et étourdissant.